La question de la semaine : avez-vous déjà entendu parler de la sécurité sociale du logement proposée par Mélenchon et Jadot ?
La sécurité sociale du logement : une mesure qui existe depuis 20 ans
C’est en 2002, il y a 20 ans tout pile, que la sécurité sociale du logement a vu le jour pour la première fois dans l’écosystème politique français. Lionel Jospin, Premier ministre de l’époque et candidat à la présidentielle, positionne la mesure, imaginée par Marie-Noëlle Lienemann, sa secrétaire d’Etat au Logement, au cœur de son plan « Zéro SDF d’ici 2007 ». Ses objectifs étaient clairs : stopper le nombre croissant des expulsions locatives causées par des impayés de loyers, et permettre à ceux ne pouvant pas présenter de caution de se loger beaucoup plus facilement. N’atteignant pas le second tour de la présidentielle, le projet est enterré.
C’est 12 ans plus tard, en 2014, que l’idée d’une sécurité sociale du logement fait de nouveau son chemin, dans le cadre de la loi Alur. Alors porté par Cécile Duflot, ministre du Logement de l’époque, le texte reprend l’idée d’une Garantie Universelle des Loyers (GUL) qui aurait été obligatoire pour chaque bailleur, afin que ceux-ci continuent à toucher leurs loyers en cas de défaut de paiement de la part des locataires. Cependant, si la loi Alur est bien votée, les décrets concernant ce volet ne seront, eux, jamais publiés. Laissant une fois de plus l’idée d’une sécurité sociale du logement à l’abandon.
Si elle refait aujourd’hui son apparition au cœur de la course à la présidentielle, le tout sur fond de crise économique naissante, l’idée d’une sécurité sociale du logement n’est cependant pas portée par tous les candidats. Seuls Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon l’ont intégrée au sein de leurs programmes respectifs, avec quelques différences.
Mélenchon et Jadot : quelle est leur vision de la sécurité sociale du logement ?
Du côté de Jean-Luc Mélenchon, actuellement en 3ème position dans les sondages, il est notamment prévu de mettre en place une assurance universelle obligatoire et publique sur les impayés de loyers. Cette assurance permettrait ainsi aux propriétaires d’être indemnisés quoi qu’il arrive du côté de leurs locataires. Pour ce qui est de Yannick Jadot, il s’agirait de faire passer une garantie universelle des loyers obligatoire, reprenant ainsi la proposition de loi déjà déposée en fin d’année 2021 par Aurélien Taché, député du Val d’Oise Europe Ecologie Les Verts.
Si l’on se penche sur le contenu détaillé de ces deux propositions, il ne fait aucun doute qu’elles sont toutes les deux très similaires. Dans les deux cas, par exemple, c’est bien l’Etat qui devient garant d’un locataire, par le biais d’un établissement public en charge de gérer la GUL ou l’assurance universelle, notamment en ce qui concerne le règlement des loyers impayés aux propriétaires.
Lorsque l’on se penche sur les objectifs de chacune des mesures, là encore, elles poursuivent un but commun, déjà recherché d’ailleurs par Lionel Jospin dès 2002 : fluidifier l’univers du logement en épaulant à la fois les propriétaires et les locataires. En d’autres termes, les deux candidats s’accordent sur le fait que cette mesure, nécessaire selon eux, doit permettre qu’il n’y ait plus d’expulsions locatives sans qu’une solution de relogement ne soit trouvée, permettre bien évidemment aux propriétaires de garantir leurs rentrées d’argent mensuelles en cas de défaut de paiement, et permettre à tous d’accéder facilement à un logement décent sans avoir besoin de fournir de caution personnelle.
C’est lorsque l’on se concentre sur la mise en œuvre pratique et le financement de la mesure chez chaque candidat que de légères différences apparaissent.
- Pour Jean-Luc Mélenchon, c’est une caisse de solidarité nationale qui prendrait en charge la gestion de son assurance universelle obligatoire. Gérée à parts égales par des représentants élus des propriétaires et des locataires, elle serait financée par une cotisation de 2 % prélevée sur les loyers perçus par tous les propriétaires-bailleurs. L’idée étant, à terme, de mettre en place une garantie équivalente à la garantie Visale, actuellement soutenue par Action Logement.
- Du côté de Yannick Jadot, le financement de la mesure se ferait à la fois par les propriétaires et les locataires, sous forme d’une cotisation allant de 1 à 2 % du montant des loyers. Dans le cas d’un impayé, la garantie serait débloquée au bout de 30 jours, et pourrait couvrir jusqu’à 18 mensualités. Elle viendrait ainsi remplacer différents dispositifs déjà existants, comme la garantie Visale par exemple.
Une mesure qui a toujours connu une opposition farouche de la part des assureurs
Si l’idée de mettre en place une sécurité sociale du logement à tout pour plaire aux locataires qui pourraient ainsi se loger plus facilement, elle a toujours du faire face à une opposition farouche.
Du côté des propriétaires-bailleurs, même si ces derniers pourraient être rassurés par la garantie de loyers qu’elle implique, ils sont toujours restés très mitigés face à ces propositions.
Mais c’est surtout du côté des courtiers et assureurs que le bas blesse, puisque la mise en place d’une telle mesure viendrait supprimer toute une partie de leur marché, dans lequel ils se sont largement investis depuis de nombreuses années. Si l’un des deux candidats, Mélenchon ou Jadot, venait à être élu à la fonction suprême, alors il devrait certainement s’attendre à une forte opposition de ces lobbies. Pour envisager un passage de leur mesure, des professionnels du secteur n’entrevoient qu’une seule piste : la mise en place d’un partenariat entre le public et le privé. Comme en ce qui concerne l’assurance maladie. En effet, la sécurité sociale du logement pourrait fournir un socle commun de base à tous les propriétaires. Mais pour obtenir des garanties supplémentaires, ils pourraient alors se tourner vers les compagnies d’assurances, comme dans le cadre des mutuelles santé à ce jour.