La question de la semaine : en assemblée générale, un copropriétaire peut-il voter seul sans son conjoint ?
Assemblée générale de copropriété : comment se déroule un vote ?
De manière globale, les acquéreurs – et en particulier les plus proactifs au sein de la communauté de leur ensemble immobilier – apprécient assister aux assemblées générales (AG) annuelles de copropriétaires organisées et pilotées par leur syndic de copropriété, afin de participer à la prise de décisions (administratives, structurelles, tarifaires, …) qui va concerner leur lot.
Tous les choix actés au profit d’une résidence immobilière ou d’un immeuble sont soumis à un vote, ouvert à l’intégralité des copropriétaires. Si certains ne sont pas en capacité de se rendre à l’AG lors de sa tenue, ils peuvent donner leur pouvoir à un de leur voisin présent pour que leur voix soit entendue et enregistrée. On dit alors qu’ils sont représentés.
Les règles encadrant les votes divergent en fonction des sujets introduits à l’ordre du jour. Les décisions peuvent être statuées à la majorité absolue (moitié des voix + 1 auprès de l’ensemble des copropriétaires dont les présents, les représentés et les absents), à la majorité simple (majorité des voix auprès des copropriétaires présents ou représentés), à la double-majorité (2/3 des voix) ou à l’unanimité (ensemble des voix des copropriétaires présents ou représentés).
Voici comment sont validés les choix lors d’une assemblée générale de copropriété selon les questions soulevées :
- Détermination ou révocation du syndic : majorité absolue.
- Adaptation du règlement de copropriété aux évolutions réglementaires et législatives : majorité simple.
- Modification du règlement de copropriété se rapportant aux parties communes (administration, jouissance, usage) : double majorité.
- Modification du règlement de copropriété : unanimité.
- Remaniement de la répartition des charges en adéquation avec un changement d’usage d’une partie privative : majorité absolue.
- Individualisation des contrats collectifs de fourniture d’énergie (eau, gaz, électricité) : majorité absolue.
- Suppression du poste de gardien ou de concierge et mise à disposition de sa loge (à titre gracieux ou payant) : double majorité.
- Travaux d’accessibilité : majorité simple.
- Equipement des parkings en bornes de recharge électrique : majorité simple.
- Mise en place de compteurs d’énergie thermique ou de répartiteurs de frais de chauffage : majorité absolue.
- Travaux de rénovation énergétique : majorité absolue.
- Mode d’ouverture des accès à l’ensemble immobilier : majorité absolue.
- Aliénation des parties communes : unanimité.
- Acte d’acquisition ou de disposition immobilière : double majorité.
Est-il possible de prendre des décisions seul en AG, si l’on a un conjoint copropriétaire ?
Qu’importe son statut marital (concubinage, pacs, mariage), un couple ayant acquis en indivision (et non sous le régime de la séparation) un logement au sein d’un ensemble immobilier dispose lors de la prise de décisions collectives d’un nombre de voix, proportionnel à la surface de son lot dans la copropriété. Lors de l’assemblée générale, le suffrage de l’un ou de l’autre des partenaires ne comptera pas de façon individuelle mais va être exprimé par foyer, qu’importe le nombre de voix dont le couple dispose.
Exemple : Monsieur et Madame Chauron possèdent 6 suffrages en proportion de leur lot immobilier dans la totalité de la copropriété. S’ils se positionnent en faveur du licenciement du concierge Georges, leurs 6 voix s’orienteront dans ce sens lors du vote général. Madame Chauron ne peut pas voter pour 3 voix contre, et Monsieur Chauron pour 3 voix pour. Que les deux soient présents ou non pendant la réunion, le vote du couple est unifié. Un seul s’exprimera au nom des deux conjoints.
Ainsi, un conjoint peut tout à fait voter seul lors d’une AG car il est reconnu coutumièrement, par la justice, comme receveur légitime du mandat tacite de son partenaire indisponible.
Quelle légalité possède une décision actée seul, sans mandat explicite et écrit de son conjoint ?
Dans un arrêt émis le 1er juin 2022, la Cour de Cassation a rendu un verdict rejetant l’argument d’une épouse selon lequel les décisions actées par son mari en leurs deux noms en assemblée générale de copropriété étaient nulles, en raison de son absence au moment du vote. La justice n’a pas retenu les raisons justifiant sa défense.
Le contexte : face à l’accumulation de retard pour le paiement de ses charges, un couple de copropriétaires s’est vu poursuivi devant les tribunaux par son syndic afin que lui soit imposé la régularisation des sommes dues. Le dossier s’est révélé épineux pour les magistrats. Pour réfuter les dettes, l’épouse contre-attaquait en attestant qu’aucun mandat n’avait été fourni à son mari pour choisir en son nom, que les votes émis sur des questions capitales relevant de la majorité absolue ne pouvaient être recevables sans procuration écrite et explicite de sa part, et qu’elle n’avait pas reçu des lettres valides en guise de convocation de l’indivision matrimoniale aux AG.
La Cour de cassation a ainsi débouté la plaignante, estimant que son mari avait bien pris en main de façon habituelle depuis le début, au vu et su de chaque copropriétaire de la résidence immobilière, la gestion de leur lot en représentation de leur indivision. La haute juridiction a néanmoins reconnu que ce principe n’était pas intangible et qu’une suspicion ou des indices de discordance forte entre des époux pourraient laisser entendre que la communauté d’intérêts créée par le mariage n’est pas avérée. Dans ce cas-ci, la convocation personnelle et individuelle des deux conjoints serait nécessaire pour participer aux votes afin que les décisions de l’un, sans mandat écrit de l’autre, n’engagent pas celui qui n’est pas présent lors de l’assemblée générale.